
Et une fois qu’on s’est dit : ”Bon, c’est une bonne époque de merde”, on fait quoi ? Pour ma part, j’essaie d’en creuser les singularités, les exceptions, tout ce qui fait de cette drôle de période une étape unique de l’histoire, tout ce qu’elle nous permet en propre, toutes les promesses qu’elle nous fait. Il y a sans doute un point qui émerge derechef : la multitude de causes derrière laquelle livrer bataille. Des multiplicités de bannières, de drapeaux où il suffit de se pencher pour saisir la lutte adéquate. L’égalité des sexes, la protection de l’environnement, la guerre pour une justice sociale, politique anti-armement.
On a coutume d’envier les militants des années soixante pour leur revendications fortes (lutte pour le droit des femmes, invectives contre la guerre du Vietnam, mai 68, etc.) mais ces militants là restaient minoritaires. On les voyait au mieux comme de joyeux hippies, étudiants attardés ou intellos idéalistes. Ils ne constituaient pas un danger pour la majorité sociale, on s’en moquait très gentiment et puis, on passait son chemin. (Oui, je grossis le tableau, ils ont quand même obtenu des victoires un peu dingues)
S’il faut chercher du positif, en voici peut-être un point clé : le bord du gouffre est perceptible et si les revendications des militants d’hier sonnaient partiellement dans le vide des systèmes trop bien huilés et tout à fait déterminés à ne pas dévier d’un iota – la parole des hommes d’aujourd’hui résonne dans un silence coupable que plus personne ne peut nier. Dans un monde où tous les supermarchés ont maintenant leurs rayons ”vracs” et ”bios”, où la chaine Burger King a doublé ses sandwichs classiques en variation végétarienne, à qui veut-on faire croire que nos voix sont imperceptibles ? Elles ont déjà semé leur premières graines dans l’engrenage.
Aux âmes passionnées en quête de combat, impossible aujourd’hui de ne pas trouver sa lutte. Le monde entier est à changer, tout le système est perfectible, il n’y a pas une journée qui passe sans qu’éclatent d’autres revendications, des manifs à travers le monde, des indignations en tous genres, des dénonciations, des appels à la résistance. Il suffira de se pencher pour choisir son combat et de s’armer consciencieusement pour rendre le monde moins honteux. Pour des armées d’idéalistes dont la parole porte plus loin qu’aucune autre génération avant elle, où les sourds seront les coupables et la justice saura trancher.
D.A